La journée des chaussettes dépareillées

Peut-être le savez-vous? le 21 mars, est la journée de la trisomie 21.

La journée où l’on porte des chaussettes dépareillées. Pour parler de différence. La différence de ceux qui sont nés avec un chromosome en plus.

Mais que veut dire différent? Que signifie être pareil? Où se trouve la norme? D’ailleurs, existe-t-il une norme? J’ai grandi autour de cette interrogation sur la notion de différence.

Dans notre société, la fille normale, c’était moi. Mais pourquoi? Selon quels critères?

Parce que j’ai su lire et compter plus tôt? Parce que j’ai suivi une scolarité classique? Parce que j’ai la taille ou le visage standards?

Ma sœur aussi, elle sait lire et compter. Elle a aussi suivi une scolarité, mais une scolarité qui savait s’adapter à sa vitesse à elle.

Ce qui nous différencie vraiment?

Elle, elle est tellement plus naturelle. Nous, on a trop appris à se bider, à camoufler nos sentiments. Elle, si elle est mécontente, elle le dit. Si elle est triste, elle pleure. Si elle est en colère… Aïe! Mais c’est tellement sain de laisser parler nos émotions.

Elle, elle est tellement plus vraie. Elle ose me dire qu’elle m’aime. Elle ose me dire que je suis belle. Elle me le dit d’ailleurs aussi, si je suis moche ou que j’ai mauvaise mine. Je ne me souviens plus de la dernière fois que j’ai osé le lui dire, à elle. Ou que je me permets de le dire, aux autres. Nous sommes tellement engoncés dans notre quotidien, nos horaires et notre performance qu’on en vient à oublier ce qui importe, là, tout de suite. Juste se dire les choses, sans filtre, comme elles viennent.

Quand elle a envie de chanter, elle chante. Jamais elle ne s’est demandé si sa voix était juste. Elle chante, comme le lui dicte son cœur.

Quand elle a envie de danser, elle danse. Avec ses quelques kilos en trop, elle tournoie, elle s’amuse, elle ferme

les yeux. Il n’y a que nous pour rester assis sur le banc sans oser se lancer. Jamais elle n’aura besoin du mouvement body positive. Elle vit dans le corps qui est le sien. Sans gêne aucune.

Quand elle a envie de nous serrer dans ses bras, elle se lance. Covid ou pas.

Alors je ne dis pas que c’est évident. Il faut beaucoup nous adapter. Composer avec. Il faut des doses de patience et de tolérance.

J’aime savoir que j’ai grandi dans cette normalité. Ou dans le fait que la différence était une normalité. J’aime savoir que mes enfants ont vécu dans cette normalité. En acceptant que la différence fait partie de la normalité.

Et elle, ne lui parlez pas de différence! Elle affirme qu’on est pareilles. A ses yeux, je suis sa sœur jumelle malgré nos 3 années d’écart.

La notion de handicap n’existe pas dans sa réalité. Si vous le lui demandez, elle répondra que non, elle n’est pas

« ‘dicapée ».

Alors aujourd’hui, une pensée toute particulière à toi, ma sœur et ton chromosome en plus. Merci d’être venue déposer tout ton amour dans ma vie.

Sacheen Sierro, soeur d’une personne extraordinaire!